A l’occasion de la parution des 100 Histoires de Légende du Sport au Féminin, le 6ème opus de la collection, nous avons rencontré Gérard Holtz co-auteur avec son fils Julien et lui avons posé quelques question très directes pour comprendre pourquoi cette fois-ci, le livre n’était pas sur un sport en particulier mais sur les femmes… Questions cash, réponses sans détour !
L’année dernière, en mai 2017, au moment de la promotion des 100 Histoires de Légende du Sport Auto, vous aviez répondu à ceux qui vous demandaient “et le prochain ?” : “Ce sera sur le sport féminin !”. D’où vous vient cette idée de faire un livre sur les sportives ?
Il y a deux raisons : La première, c’est que depuis longtemps j’avais cette idée de mettre en avant le sport féminin. Je l’ai toujours fait à l’antenne durant 44 ans à France Télévisions. Trop longtemps à mon gout, les compétitions féminines et les sportives ont été mises au second plan, dévalorisées. Mais depuis quelques années, on voit les audiences télé grimper, par exemple pour les Coupes du Monde de Rugby et de Football féminin, le parcours de l’OL et du PSG en Ligue des Champions… La preuve d’un intérêt grandissant du public pour le « sport au féminin » !
On avait la possibilité en cette année de Coupe du Monde de Foot masculin de faire un opus sur le foot, c’aurait été logique puisque l’on s’appuie sur les événements sportifs (Tour de France, Coupe du Monde de Rugby, Jeux Olympiques) pour raconter leur histoire. Mais nous pensions étant donné le principe de notre collection – basée sur des portraits et des destins hors normes – qu’il était temps de rendre hommage aux femmes et de raconter combien leurs combats (pour avoir le droit de faire du sport, pour avoir le droit d’assumer des responsabilités, pour pouvoir vivre de leur sport) ont été rudes et le sont encore…
Quand on pense que jusqu’aux années 1920, on ne voulait pas des femmes aux Jeux Olympiques ! Je reprends à dessein un extrait du portrait d’Alice Milliat dressé par mon fils Julien dans le premier chapitre des 100 Histoires de Légende du Sport au Féminin : « ‘’ Le rôle de la femme reste ce qu’il a toujours été : elle est avant tout la compagne de l’homme, la future mère de famille, et doit être élevée en vue de cet avenir immuable.’’ Voilà à quoi, en 1901, Pierre de Coubertin, baron misogyne, père de l’olympisme, réduisait la femme. Enfonçant le clou en 1912 : pour lui, les Jeux olympiques étaient ‘’ l’exaltation solennelle et périodique de l’athlétisme mâle avec […] l’applaudissement féminin pour récompense ‘’ ».
Les premières épreuves olympiques d’athlétisme pour les femmes ont été organisées à Amsterdam en 1928 pour les femmes. A Rio en 2016, on comptait 45% de femmes chez les engagés et cette année à Pyeongchang, elles représentent 42% des compétiteurs. Quel chemin parcouru depuis ces phrases du Baron misogyne !
Tout au long de votre carrière, vous vous êtes entouré de femmes et vous n’avez jamais hésité à les mettre en avant, à les mettre au pied du mur aussi.
Que ce soit dans ma vie privée ou professionnelle, j’ai toujours plaidé pour le respect et l’égalité entre les hommes et les femmes, quitte à me disputer avec certains journalistes, parmi les plus grands, qui étaient de vrais machos. A la télévision, dans le travail, j’ai toujours apprécié d’avoir des femmes autour de moi, que je savais être compétentes, qui me faisaient confiance dans mes idées et à que je pouvais faire entièrement confiance. J’en ai embarqué certaines les yeux fermés sur le Tour de France, les JO, le Dakar. J’ai lancé Estelle Denis dans mon magazine de 2ème partie de soirée lors du Mondial 98. J’avais 100% confiance en leur talent.
Grâce à votre métier vous avez rencontré un grand nombre d’élites hommes et femmes confondus. Côté féminin : sportives, artistes, femmes politiques, scientifiques,…. Lesquelles vous ont marqué ? Impressionné ? Et pourquoi ?
En couchant les noms de ces personnages sur le papier, je dois reconnaitre qu’elles ont toutes un point commun : leur force de caractère. Ce sont des femmes volontaires, dynamiques, créatives, talentueuses, exigeantes. Elles forcent l’admiration !
- Laura Flessel qui m’a ému lorsqu’elle a fièrement assumé le rôle de porte-drapeau de la délégation française à Londres en 2012 et qui m’a fait pleurer ensuite lorsqu’elle est tombée dans les bras de sa famille après son élimination. Nous lui avons proposé d’écrire la préface des 100 Histoires de Légende du Sport au Féminin et elle nous a fait l’honneur d’accepter !
- Simone Veil qui par bonheur va entrer au Panthéon
- Christine Okrent qui a porté sur ses épaules le journal télévisé de 20H
- Catherine Ceylac, l’une des rares à avoir duré à la télévision, Sophie Davant aussi
- Claire Richet, qui a dirigé le CFJ, mon école de journalisme. C’est une dame qui a beaucoup compté pour moi et pour le journaliste que je suis devenu
- Yelena Isinbayeva, la femme la plus haute du monde à la perche, qui m’a impressionné par sa façon de se concentrer et de rentrer en elle avant ses sauts
- Marielle Goitschel qui s’était fait voler son titre mondial en 1966 par un homme (on le raconte dans le livre !)
- Laurence Tiennot-Herment, la Présidente de l’AFM-Téléthon (l’Association française contre les myopathies)
- Des comédiennes formidables : Jacqueline Maillant, Simone Signoret, Carole Bouquet
- Amélie Mauresmo pour la beauté de son jeu, ses gestes purs mais aussi pour son intelligence, son sens de la tactique
- Florence Arthaud, l’une des rares femmes à avoir dominé les mers et les hommes, tragiquement disparue avec Camille Muffat et Alexis Vastine dans un accident d’hélicoptère sur le tournage de l’émission Dropped.
- Nathalie Kosciusko-Morizet, alias “NKM”
- Barbara Hendricks qui a été la marraine du Téléthon
Sur ces 100 histoires, quel est votre top 10 personnel ? (Y compris celle que Julien a écrites)
- Annika Sörenstam est ses trois bracelets du succès
- Lindsey Vonn pour son palmarès unique à ski
- Florence Arthaud et sa Route du Rhum 1990
- Catherine Destivelle qui a passé 11 jours seule dans les Drus pour gravir un mur de 1000 mètres de haut
- Estelle Mossely qui a marié à merveille le cœur et l’or à Rio avec Tony Yoka
- Stella Walsh dont l’histoire m’a vraiment surpris : elle est championne olympique du 100m plat en 1932 et figurez-vous qu’à sa mort en 1980 on découvrira que c’était un homme !
- Le scandale Harding / Kerrigan romancé dans « Moi, Tonya », un film qui vient tout juste de sortir
- Marion Jones qui est passée au travers de plus de 150 contrôles sans jamais se faire pincer et s’est fait balancer aux instances antidopage par un appel anonyme. C’est incroyable !
- Marie Paradis, la première femme au sommet du Mt Blanc en 1808
- Et Jeanne Geneviève Labrosse, épouse Garnerin, qui fut la première femme à sauter en parachute, c’était au-dessus de Paris en … 1799 !
Il y a eu à la fin des années 60 un mouvement de libération des femmes à travers leur corps (IVG, pilule) et leurs droits aussi. On vit actuellement une deuxième vague symbolisée par l’affaire Wenstein. Les langues se délient. Les femmes vont-elles enfin réussir à se faire respecter ? Tant au niveau du salaire que de leur intégrité ?
Je pense qu’on est en train de vivre une sorte de « révolution », un moment de l’histoire qui a le mérite de mettre les choses à leur vraie place. Pendant trop longtemps les hommes ont profité de leur pouvoir pour diriger la société et les femmes en particulier. Julien le raconte dans le livre avec par exemple les début du football féminin au Royaume-Uni dans une société cadenassée par des principes très stricts sous l’ère de la Reine Victoria. Les femmes étaient réduites à être l’ « ornement social » de leur mari !
L’affaire Weinstein est un déclencheur extraordinaire de prise de parole et pour les hommes d’auto-analyse. Cela ne peut faire que du bien. Même si il ne faut pas que cette révolution devienne une chasse à l’homme. Cela pourrait être contreproductif. C’est tout à fait sain que cela fasse réfléchir sur la nature des rapports que les hommes doivent avoir avec les femmes dans une esprit de respect et d’égalité.
On voit de plus en plus de femmes aux postes à responsabilité : il y a eu Anne Lauvergeon chez Areva, Mercedes Erra chez BETC EURO RSCG, Nathalie Boy de la Tour à la tête de la Ligue de foot, Muriel Mayette votre épouse à la comédie française puis à la villa Médicis… On confie aussi de plus en plus les rênes de la télévision aux femmes : Delphine Ernotte la présidente de France Télévisions. Et au micro Sophie Davant pour le Téléthon, Céline Géraud à Stade 2, Estelle Denis à 100% Foot sur M6… dans le livre vous citez Amélie Mauresmo, Corinne Diacre, Béatrice Barbusse notamment… À quoi devons-nous cette évolution de la société ? C’est de la discrimination positive ou c’est leur mérite pur et simple ?
Le problème c’est que quand une femme acquiert un certain pouvoir, grimpe dans l’organigramme, se retrouve dans la lumière… on ne devrait même pas se poser la question du « pourquoi ». On ne devrait presque pas le souligner. Le genre féminin / masculin devrait être totalement neutre dans notre jugement. C’est comme ce concept de la journée internationale de la femme, autrement appelée la « Journée des Droits des Femmes » : en principe une journée qui ne devrait pas avoir lieu. Mais on n’y est obligé car le combat pour l’égalité, la parité et la mixité n’est pas encore gagné, ni en France, ni en Europe et encore moins dans certaines zones du monde où culturellement et historiquement la femme est privée de certains droits (voter, conduire, se promener librement et à visage découvert…).
Dans le monde de l’entreprise, encore aujourd’hui, lorsque les femmes obtiennent de l’avancement, parce que ce sont des femmes on leur en demande encore plus qu’à un homme. Je le raconte dans mon histoire sur le sexisme à la télévision et au service des sports. L’épreuve vécue par Marianne Mako est assez injuste. Et puis je raconte à travers le témoignage de l’amie Nathalie Iannetta, la bienveillance que Thierry Gilardi avait eue à son égard alors qu’elle était en train de percer à Canal +.
« Attention, ça va être un enfer pour toi, l’avait prévenue le commentateur. On ne te pardonnera rien ! Si je fais une erreur, on dira que c’est un lapsus, si tu te trompes, on va dire : “Elle n’y connaît rien” ! Concrètement, ça veut dire que tu dois être la meilleure des meilleures ! »
Julien illustre cette histoire dans un teaser vidéo sur les journalistes sportives qui a été de nombreuses fois retweeté sur les réseaux sociaux.
Les femmes ont beau être performantes et irréprochables, il subsiste toujours des relents de sexisme et d’indélicatesse. C’est exactement ce que raconte Béatrice Barbusse dans son livre « Du sexisme dans le sport », publié chez Anamosa en 2016.
Dans le livre vous racontez comment avec Coubertin et les autres, la femme au 19ème siècle était cantonnée à son rôle de femme au foyer et de mère reproductrice , vous évoquez l’affaire de Régis de Camaret et du viol dans les clubs de sport, vous parlez de ce sportifs qui se décident à changer de sexe soit par choix, soit à cause du dopage hormonal, Vous parlez autant du meilleur comme du pire …. Ce livre est en fait le reflet de notre société ?
Dans ces 100 Histoires de Légende du Sport au Féminin nous avons voulu glorifier les championnes et leurs palmarès étoilés, souligner les exploits d’un jour aussi… Et surtout raconter les destins uniques des pionnières et des battantes qui ont outrepassé les interdictions d’une société sexiste et misogyne, bousculé les mœurs d’un autre âge et, à leur façon, qui ont fait évoluer la condition féminine.
Regarder en face les vérités qui dérangent et les dénoncer pour avancer. Oui ces 100 Histoires de Légende du Sport au Féminin nous offrent un certain regard assez objectif sur notre société, un florilège de portraits et on fait les compte avec des héros et des zéros !
Ce qui au départ était un projet unique (avec votre livre sur le tour de France) est devenu une collection avec maintenant 6 livres. Une réussite et un projet de famille !
Au départ, notre collaboration père / fils ne devait être qu’un coup d’une fois. Gründ m’avait contacté pour écrire un livre à l’occasion de la 100ème édition du Tour de France. Sortis en mai 2013, les 100 Histoires de Légende du Tour de France ont connu un franc succès : les 10 000 exemplaires imprimés pour le lancement se sont vendus très vite, il a même fallu en réimprimer à la hate 3000 exemplaire durant l’été ! Quatre ans plus tard, ce livre ses déjà vendu à plus de 25 000 exemplaires, ce qui, dans le milieu du beau livre, peut être considéré comme un succès.
Dès 2014, adoubés par l’accueil du public et avec la confiance de notre éditeur, nous avons poursuivi avec un opus sur les légendes du Sport Français, puis le Rugby en 2015 pour la Coupe du Monde, les Jeux Olympiques en 2016 juste avant les Jeux de Rio, les légendes et les secrets du Sport Auto en 2017.
Chaque année nous avons la chance d’ajouter un livre de plus à cette collection qui en compte désormais six avec les 100 Histoires de Légende du Sport au Féminin. Et comme c’est un succès on va continuer !
En plus, c’est un projet qu’on fait en famille. Avec Julien nous partageons la passion du sport, l’idéal olympique, le plaisir du dépassement de soi et nous aimons par-dessus tout découvrir les petits secrets des grandes performances. Car au faut nous sommes tous humains !
C’est un véritable et un énorme plaisir de partager cette expérience avec mon fils qui, sans lire de roman me montre chaque année, qu’il a en lui un vrai don pour les mots, pour les mettre en musique sur une page blanche, une vraie plume.
Pour « le » ou « les » prochains livres avez-vous des idées ? Avez-vous déjà tranché ?
Nous n’avons pas encore tranché. En général on se laisse le printemps pour se décider. Mais nous avons des idées : on a remarqué que les livre sur le cyclisme marchaient bien. On a envie aussi de faire un livre sur les pionniers et les aventuriers. On sait qu’on fera forcément un livre sur le tennis. On pense aussi, parce que déjà dans nos six premiers livres il y a plein, à rassembler et décrypter les plus grands records. Si le public continue à être au rendez-vous qu’on lui donne, on va continuer à lui offrir de jolis recueils !
Vive le sport et vive les 100 Histoires de Légende !
Allez plus loin avec
La grande et belle aventure des femmes dans le sport de haut niveau. Tout d’abord les pionnières qui ont œuvré pour l’émancipation des femmes et le développement de la pratique sportive au féminin : Marie Paradis première femme au sommet du Mt Blanc, Alice Milliat le poil à gratter de Coubertin, Kathrine Switzer la première femme à courir le marathon de Boston, Billie Jean King à l’origine de la parité des primes dans le tennis, etc…
Mais aussi plus de 50 portraits. Les grandes championnes : Suzanne Lenglen, Chris Evert, Marie Jo Pérec, Jeannie Longo, Serena Williams, Lindsey Vonn, les filles de l’Olympique Lyonnais… et les coups d’éclats de Christine Caron, Colette Besson, Florence Arthaud, Laura Flessel, Christine Arron, Paula Radcliffe, Laure Manaudou…
Enfin les scandaleuses, les tricheuses et les héroïnes de tragédies : Violette Morris qui bascule de l’équipe de France à la Gestapo, les nazis qui briment et massacrent les juives, la RDA qui dope 10 000 athlètes, l’imbattable record de Marita Koch, le poignard dans le dos de Monica Seles, le miracle d’Ewa Wiznierska survivante à une aventure en parapente à plus de 10 000 mètres d’altitude, Régis de Camaret Pygmalion de Nathalie Tauziat mais violeur en série, Laurence Fischer la championne de karaté au service des africaines victimes de viol, Caster Semenya et le problèmes des athlètes transgenres …
Une savoureuse mêlée de récits et de portraits à lire et à relier entre amis, en famille et à offrir !