Sport Auto : Gérard Holtz raconte au magazine les légendes qui ont fait l’histoire

Mars 2018, invité par la magazine Sport Auto à raconter sa passion des sports automobiles, Gérard Holtz a feuilleté quelques pages des histoires de légende qu’il a vécues au contact des plus grands et sa relation particulière avec Alain Prost … Des pages que vous retrouvez dans Les 100 Histoires de Légende du Sport Auto, le livre co-écrit avec Julien son fils aîné.

 

C’est du direct !

Histoires d’Autos

Le journalisme par vocation, la télé par occasion, le sport par goût et aujourd’hui le pilotage par passion. Bien des pilotes deviennent commentateurs, Gérard Holtz suit le chemin inverse… Pas près de rendre l’antenne !
Propos recueillis par Robert Puyal Portrait Laurent Villaron

 

 

SPORT AUTO – Question rituelle : quel est ton premier souvenir de voiture ?

Un accident de mon père. Il était artisan maroquinier dans Paris. Nous étions extrêmement pauvres et il avait attendu très, très longtemps la première voiture, une 301 Peugeot qu’il conduisait très prudemment. Une voiture a brûlé un feu rouge. J’entends encore le bruit terrible ; je devais avoir 2 ou 3 ans. Quant à la première image de belle voiture, de voiture de course, de vitesse, c’est la Jaguar du Mans, la Type D avec la dérive, vert foncé. Pas à la télé, parce qu’on ne l’avait pas, mais sûrement sur des revues, ou chez des copains. Un de mes rêves serait de la piloter…

Et du côté des voitures personnelles ?

J’ai le cœur en forme de deux-roues. Vélo d’abord, mobylette ensuite, « la Bleue » puis « l’Orange ». Le Solex, démonté complètement. Ma première moto, une MZ au bruit de casserole. Puis le permis, la Honda 500 Four, Triumph Bonneville, beaucoup de motos et aujourd’hui scooter à Paris. Ma première voiture, c’est une 203 noire, achetée à mon père quand j’ai commencé à gagner ma vie, en vendant des aspirateurs au BHV. Plus tard, j’ai roulé très longtemps en 204, avec une boule de remorquage pour tirer ma moto d’enduro. Je n’ai jamais eu de grande et belle voiture. Le titre de ton article est tout trouvé : « Je n’aime pas conduire mais j’adore piloter. » Jamais eu de BM, de Mercedes, encore moins de Ferrari ; j’admire mais ce n’est pas pour moi. Et mes fils, et mes copains, et les gars de la télé, qui me voyaient arriver avec ma Fiat 500 de 1975, rouge bien sûr parce que c’est une de mes couleurs fétiches, me disaient : « C’est pas possible, vous commentez la F1 et vous roulez là-dedans ? »

Parlons-en de la télé, et du parcours professionnel.

Je rentre à l’ORTF, au service politique étrangère, en 1972. Je sortais d’un doctorat en droit international. J’ai été dix ans durant envoyé spécial : Moyen-Orient, Israël, Pakistan, Grèce… La guerre du Kippour, qui m’a beaucoup marqué : les chefs de char, en pleine bataille, sortaient du Coca frais pour leur équipage ! En 1974, à la chute des colonels, je suis dans le premier vol pour Athènes en fête, en ébullition, les gens dansaient dans la rue. Puis Jean-Marie Cavada me bombarde à l’antenne du journal, d’abord le 23 Heures, puis le 13 Heures et le 20 Heures du week-end, deux saisons, jusqu’en 1980. Elkabbach me placardise au service culture, formidable punition ! Barychnikov, la BD, l’Opéra de Paris… Puis à nouveau le JT, avec Philippe Labro. Et finalement Stade 2.

Tu avais déjà le goût du sport ?

Depuis toujours. J’en mettais toujours dans le JT. Certains rédac chefs me disaient : « Tu ne vas pas attaquer le 20 Heures avec des résultats de ski ? » Et pourquoi pas… A Stade 2, je m’intéresse de plus en plus aux sports mécaniques, grands prix moto, 24 Heures du Mans moto, rallye. Et, en vacances, en jouant au tennis, je rencontre Alain Prost. Nous devenons amis. C’est le monde à l’envers. Je ne l’ai pas rencontré en tant que journaliste ; c’est lui, au contraire, qui m’a ouvert le monde de la F1 et m’a amené à m’y intéresser professionnellement. Le premier week-end, à Brands-Hatch, est énormissime. Alain m’apprend la F1 dans les coulisses. On déjeunait avec les mécanos, extraordinaire. Et j’ai couvert la F1 pendant dix ans. L’époque de Senna, Rosberg, de Angelis que j’ai bien connu, Lauda, qui était devenu un copain parce que, comme je parle allemand, il me répondait à moi.

Il est comment, Prost, dans le privé ?

Nous sommes de caractères totalement opposés. Moi, je n’aime que l’harmonie, la décontraction. Lui est un type tendu. Comme il me l’a avoué une fois : « Je me dépasse dans le conflit. » Il était très lucide là-dessus. Et tout le temps dans la gamberge : « Comment m’améliorer sur ce circuit ? Je suis à 10 centimètres du point de corde, comment être à 5 centimètres ? Quelle écurie pour la saison prochaine ? » Mais nous nous entendions très bien parce que nous riions beaucoup, on faisait toujours des farces.

En 1985, nous fêtons le premier titre d’Alain dans le restaurant de Jabouille, au Trocadéro. Il y avait Philippe Lavil, mais aussi Jacques Chirac et Bernadette, qu’est-ce qu’on a pu rigoler ! Chirac buvait des bières et Bernadette lui disait discrètement « Jacques… » Pour fêter un autre titre, soirée en boîte. Nous arrivons dans ma Fiat 500, Anne-Marie et Framboise, nos épouses d’alors, Alain et moi. Le videur voit la voiture et nous fait signe de dégager. Quand Alain est descendu, le pauvre ne savait plus où se mettre : « Le champion du monde en Fiat 500 ! »

Alain et moi avons un truc en commun, lui quatre fois champion du monde et moi rien du tout, c’est l’esprit de compétition. Quoi que nous fassions, il fallait que ce soit lui ou moi qui gagne. Y compris pour la taille ! C’est avec lui que j’ai monté mon club des VIP : Very Important Petits. Nous avons recruté le sculpteur César, Michel Blanc, Charles Aznavour… Il fallait mesurer moins de 1,70 mètre. Je fais un demi-centimètre de plus qu’Alain.

 

 

Quand on a tellement de copains dans un milieu, est-ce qu’on peut encore être journaliste ? On peut encore dire du mal ?

Oh oui. Dire du mal, je déteste, mais critiquer, oui, et poser les vraies questions. Alain, quand je faisais des reportages sur lui, c’était Prost et j’étais le journaliste.

Jamais de questions que l’on retient parce qu’on les sait difficiles pour le champion qui est un ami par ailleurs ?

Non. Je ne me suis jamais censuré. Il faut être capable d’être laudatif et aussi d’être critique, et surtout d’être dans les faits. Aujourd’hui, dans tous les milieux mais en particulier à la télévision, il faut dire du mal pour exister, avant même de parler des faits. Qu’est-ce qui se passe, où ça se passe, pourquoi ça se passe… Et ensuite, garder son sens critique ; je l’avais écrit en très, très gros sur le réfrigérateur, pour mes fils. Même quand c’est un copain ; il a raté, il ne s’est pas bien comporté, il faut le dire.

Prost-Senna, par exemple, tu avais traité ça comment ?

C’est une bagarre pour une hégémonie, tous les deux ont fait des fautes, ça fait partie du sport automobile. Ça s’est passé avec Schumacher, avec Vettel, avec Hamilton, combien de fois. Il n’était pas question que je prenne parti pour l’un ou pour l’autre. Il y a eu des moments où ce que faisait Alain n’était pas complètement correct, on va dire. Ni, surtout, ce qu’a fait Senna à Suzuka, taper volontairement pour empêcher l’autre de marquer des points.

Et en parallèle, tu commences à courir toi-même.

Par le karting. Tout le monde devrait en faire, même pour le permis de conduire. Moi, ce sont mes fils qui me le demandent ; nous allons à Wissous, au Paris Kart Indoor, et ils font de meilleurs chronos. Donc, ça m’énerve. Et, en catimini, je prends des cours, avec Frank Lagorce et Emmanuel Collard. Et là, j’ai battu mes fils.

 

‘‘Plus que la vitesse absolue, ce que j’aime, c’est le contrôle.
Sentir la voiture qui part, la contrôler avec deux doigts, sortir du virage et la remettre dans l’axe.’’

 

Un certain goût de gagner, quand même…

Les grands trucs de ma vie : la chance. Depuis le début de ma vie, je la provoque mais j’en ai beaucoup. La deuxième chose, apprendre. Je suis un étudiant perpétuel. Là, comme j’habite à Rome avec ma femme, l’actrice Muriel Mayette, qui dirige la Villa Médicis, j’apprends l’italien, l’histoire de l’Italie, bientôt à piloter un avion. Et donc en kart, j’ai appris.
À moins glisser, à freiner, à accélérer plus tôt. Et j’ai fait huit ou dix ans de kart de compétition, un week-end sur deux. De bouche-à-oreille, on commence à m’inviter en voiture, Formule France, Fun Cup, Legends Car. J’ai fait des stages de pilotage, aussi, au Luc, sur l’AGS-Cosworth de F1, trois fois celui de l’ACO au Mans, dont un sur les protos Pescarolo, en Formule Ford, en Formule Renault, à Lohéac. Et j’ai couru en Caterham, ça m’a plu énormément. Gérard Larrousse, qui a été mon autre professeur de F1, m’a invité à faire une course en lever de rideau des 24 Heures du Mans, sur une Lamborghini Diablo orange. 5e, sans casser la voiture. Et puis en Clio Sport à Albi, où j’ai gagné sous une pluie torrentielle.

Parallèlement, la télé continue, notamment avec le Dakar.

Un de mes grands bonheurs professionnels. Tous assis par terre à manger la soupe ensemble, feu de bois, gamelle, coups de rouge, tente ou duvets. Lever à 5 heures, décollage, sept heures d’hélico par jour.

Pendant vingt ans. Les paysages ! Et c’est encore plus beau en Amérique latine. A force de survoler les motos, je voulais savoir ce que ça représentait. Je me suis entraîné deux ans, notamment à Loon Plage près de Dunkerque, et je me suis inscrit sur le rallye de Tunisie. Tout le monde m’attendait, « le frimeur », etc. Inscrit deux fois, j’ai terminé deux fois, environ 75e sur 150 motos. Je l’ai fait une fois avec une Nissan préparée par André Dessoude, en même temps que Johnny. Que j’ai retrouvé pour le Dakar 2002, en tant que journaliste. En Mauritanie, il avait dit : « Si j’arrive à Dakar, j’arrête de fumer. » Avec Metge, ils fumaient en roulant, quand même ! Avec 120 litres d’essence dans la voiture ! Il termine, bravo. A la dernière émission, je lui rappelle sa promesse ; il jette le paquet de cigarettes par-dessus ma tête, dans le sable. Sitôt lancé le générique de fin, il se précipite le ramasser ! Une histoire à retrouver dans le livre que j’ai écrit avec mon fils Julien Les 100 Histoires de Légende du Sport Auto.

On te voit à présent courir en anciennes.

Le Tour Auto, oui. Yves Guénat, le patron d’Optic 2000 (le sponsor principal, N.D.L.R.) m’a invité et j’ai découvert une super organisation, un musée roulant de 250 voitures. Je ne veux pas prononcer le nom du préparateur Alfa, qui m’a gâché trois éditions, sur six que j’ai courues ; ils te laissent partir avec des fusibles qui datent de Mussolini, une batterie même pas arrimée, bon… Avec la Mustang, c’était pas mal, mais il faut manœuvrer en spéciale ! La Ford Escort Mk1, c’était bien, mais le meilleur souvenir, c’est avec la Porsche 911, pour mon voyage de noces !

J’ai dit à Muriel : « Chérie, c’est toi qui vas me copiloter. » On a organisé notre mariage la veille du Tour Auto, cocktail au Grand Palais et départ au petit matin. Je lui laisse le volant en liaisons, en spéciale, et je me garde le circuit. Elle vient de m’offrir la voiture de mes rêves. Est-ce que je le dis ? C’est une MG rouge.

Le goût est venu tard mais il est bien venu.

Mon rêve absolu, ce serait de faire une saison, par exemple sur Caterham. Et puis de faire les 24 Heures. J’ai commencé à discuter… En emmenant un coup de télé autour, et puis avec les micros, maintenant, en direct.
J’aime surtout les circuits « gros coeur », Albi, Dijon… Je suis un freine-tard, grave. Plus que la vitesse absolue, ce que j’aime, c’est contrôler. La Lambo, au Mans, avait un compteur, j’étais à 312 km/h. Sûrement mon maximum en voiture, mais ce n’est pas ce qui me donne le plus de plaisir.

Rien ne me fait davantage jouir que de sentir la voiture qui part, de la contrôler avec deux doigts, de sortir du virage et de la remettre dans l’autre axe. Prendre un type au freinage, oui… 100 mètres, non, 80 mètres, non, 60 mètres, oui ça passe. Irrésistible ! J’ai commencé la compétition à plus de 50 ans mais c’est un vrai virus, ce sont des sensations extrêmement fortes. Et donc, je ne veux pas que ça s’arrête. Je veux continuer.

 

Allez plus loin avec
Les 100 Histoires de Légende du SPORT AUTO

L’anthologie du Sport Auto en 100 histoires : Les grands pilotes (Michael Schumacher, Alain Prost, Ayrton Senna, Graham Hill, Clark, Kristensen, Loeb,…) et les grandes écuries en F1 (Ferrari, Mercedes, Williams, Lotus,…), les histoires mythiques des 24 heures du Mans et du Dakar, l’argent sous toutes ses formes (sponsoring, salaires,…), les scandales, les triches et la stratégie d’équipe. Les accidents célèbres et tragiques (Cevert, Zanardi, Senna, Webber,…). Une savoureuse mêlée de récits et de portraits à lire et à relier entre amis, en famille et à offrir !

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